vendredi 19 juin 2009

Métissage interdisciplinaire ou pourquoi suis-je à l'étroit quand je viens chez vous ?


Respirer à l'intérieur des murs d'une discipline est pour moi synonyme d'étouffement. D'où mon aisance à habiter en communication. C'est vaste, c'est venteux, il y a de l'espace, il y a même -et tant mieux- le risque de se perdre... C'est aussi là, dans ces espaces où l'on part en errance, que l'on fait de belles rencontres. J'en avais déjà abondamment traité en 2005, dans une ethnographie des pratiques du Cirque du Soleil et dans Les coulisses de l'innovation qui a été publié par la suite.

Après avoir fait la rencontre de Guillet de Monthoux et d'Antonio Strati à l'époque, une des belles découvertes que j'ai faites ces derniers jours est l'activité du groupe de recherche et d'intervention italien Trivioquadrivio. En rapprochant très concrètement l'art et les affaires, pas uniquement par le mécénat mais surtout par la fusion, le croisement des compétences et des regards et par le recours à ce qui est créatif dans ce qui est organisationnel, il y a création d'un métissage disciplinaire foisonnant.

À ce sujet, justement, où en sommes-nous de ce côté-ci de l'Atlantique, en francophonie ? Je cherche, je cherche, mais, pour le coup, je ne trouve pas... Quelles formes les façons de faire créatives, parfois artistiques, associées à la transformation des organisations prennent-elles de ce côté-ci de la grande mare ?

Théâtre en miroir (un groupe d'acteurs vient jouer les conflits d'une organisation, les employés regardent la performance et en discutent) ; apprendre à parler cheval pour faire du team building ; trouver son personnage à partir de l'univers de Tintin et faire un jeu de rôle pour découvrir son profil de gestionnaire ou d'employé... C'est créatif peut-être, mais ça l'est toujours à partir de l'univers de quelqu'un d'autre et ça nous est imposé.

Pourquoi ne pas franchir cette barrière normative de l'expression ? Qu'est-ce qui fait si peur ? Pourquoi les dirigeants font-ils tout ce qu'ils peuvent pour conserver très vivant ce tabou de l'expression ? On le sait, en fait. Plusieurs étudiants de maîtrise en communication de l'Uqam pourraient vous le dire. Tout le monde le sait.

En fait, ce serait comme appuyer sur le bouton Reset. Tout à coup, on traverse le miroir et on peut exprimer ce que l'on ressent. Vraiment. Imaginez les dégâts -pour les uns- et les libérations -pour les autres-. Ensuite, il faudrait tout revoir. Quelle énergie !

Nous aurions subitement changé de spectacle, de représentation. Les acteurs, la mise en scène, les décors, les dialogues, tout serait absolument différent. Subversif ? Et alors ! Ne faut-il pas d'abord savoir bien jouer sa propre pièce avant de tenter de jouer celle des autres avec inspiration ? Honnêtement.

Quand on prend le temps d'écouter ce qui se dit dans les moments creux, quand la garde du posturing est baissée, quand on se croit en sécurité, à l'abris des dirigeants, gardiens des tabous, tout à coup la parole redevient libre. Libre et en quête de sens, avide d'un peu plus d'authenticité, de joie et de paix. Juste un peu plus. Ce serait déjà bien.

Omar Aktouf avait déjà écrit en 1996 qu'il était temps d'appuyer sur Reset et de passer à l'humanisme extrême. De refonder le tout. Colossal, comme projet de société. L'avons-nous commencé ?

Non. Et c'est peut-être pour ça qu'on étouffe un peu.

Photo du 3e Œil, extraite d'une intervention faite au printemps 2009 auprès d'un groupe de cadres. Sur la feuille, la question posée était : "Professionnellement, qu'est-ce qui vous éteint ?"

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