Résister à la loi 78 en 15 points
Par Daniel Weinstock – Devant la nouvelle noirceur qui s’abat
sur le Québec, j’ai pensé qu’il était de mon devoir de tenter de résumer
aussi simplement que possible les raisons qui me font penser qu’il faut
résister à la loi 78.
- Les droits individuels sont un rempart institutionnel fondamental protégeant les citoyens contre les abus de pouvoir de l’État.
- Même des représentant élus démocratiquement peuvent abuser de leurs pouvoirs.
- En démocratie, les droits de s’associer, de s’exprimer, de protester, revêtent un caractère tout à fait fondamental.
- Ces droits doivent être reconnus à tous, surtout à ceux qui
défendent dans le respect des normes démocratiques et libérales des
points de vue dissidents et impopulaires.
- Le caractère fondamental de ces droits fait qu’ils ne peuvent être circonscrits qu’avec la plus grande parcimonie.
- La situation actuelle au Québec n’appelle pas une limitation aussi
draconienne que celle qui a été posée par le gouvernement du Parti
Libéral par son odieuse et honteuse Loi 78. Le gouvernement par son
refus d’engagement démocratique avec le mouvement étudiant a contribué à
la dégradation du climat social. Les dérives qui se font sentir dans ce
climat, engendré en partie par le gouvernement, peuvent par ailleurs
être régies par les dispositifs juridiques existant, dont ceux du code
criminel.
- Que l’on soit d’accord avec eux ou pas sur la question de la hausse
des frais, les étudiants posent des questions qui sont légitimes, et qui
méritent une réponse respectueuse.
- Ils n’ont reçu pour réponses de la part du gouvernement que mépris, bastonnades, injonctions, et maintenant, répression.
- Les tribunaux sont chargés de faire respecter les droits des
citoyens contre les dérives autoritaires des gouvernements. On peut
penser qu’ils ne feront qu’une bouchée de la loi 78.
- Les tribunaux ne peuvent cependant pas être les seuls remparts
contre les abus de pouvoir et les dérives autoritaires des
gouvernements. Les contestations juridiques sont longues et coûteuses,
et les lois liberticides peuvent causer beaucoup de dégats avant
qu’elles ne soient annulées par les tribunaux.
- Il faut également que les représentants démocratiquement élus, par
delà leurs loyautés partisanes, s’érigent en défenseurs des principes et
des institutions les plus fondamentaux de la démocratie, et refusent de
voter des lois liberticides.
- Il faut également des citoyens qui sont disposés à user de leurs
droits civils et démocratiques. Sinon, ces droits ne sont plus que des
paroles creuses. Nous devons savoir gré au mouvement étudiant d’avoir
été à la hauteur de cette responsabilité citoyenne.
- Il s’agit d’une conception bien anémique de la démocratie que celle
selon laquelle ce n’est qu’au moment de voter tous les 4 ans que l’on
exerce des droits démocratiques, la responsabilité du citoyen à tout
autre moment n’étant que d’obéir. Cela ressemble plutôt à la « douce
tyrannie » dont parlait Tocqueville. Or, c’est cette conception de la
démocratie qui semble être mise de l’avant par ceux — chroniqueurs,
politiciens — qui défendent cette odieuse loi.
- Il est souvent arrivé, dans l’histoire récente, que des limitations
importantes de droits individuels imposées au nom de l’ordre public
aient initialement été applaudies par une majorité de la population des
États concernés. Ces populations ont vite appris que les droits ne sont
gagnés qu’au terme de longues luttes, mais ils peuvent être perdus en un
clin d’oeil. Et une fois perdus, ils le sont pour TOUS les citoyens.
- La désobéissance civile est parfois apparue dans de tels contextes
comme un puissant instrument de contestation. Elle a été théorisée par
des philosophes aussi importants pour la tradition de la démocratie
libérale que le sont Thoreau et Rawls, et elle a été mise en oeuvre par
Martin Luther King et par Gandhi, pour ne nommer qu’eux.
Daniel Weinstock est professeur de philosophie à l’Université de Montréal.
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